
Cet article vient d’être publié dans « The Huffington post » australien. Il a été écrit par Nat Kessel, journaliste spécialisé dans
le tourisme culturel.
Fervents défenseurs des chiens et de la cause animale (nous avons failli vomir en traduisant l’article), nous avons quand même décidé de le publier,
non pas pour son sujet d’origine mais plutôt pour la troisième partie de son article qui résume extrêmement bien le scandale alimentaire dont souffre le monde
depuis des décennies.
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J’ai mangé du chien !
Cette histoire sera source de controverse. Lorsque j’ai mentionné l’idée à une collègue, elle était
absolument horrifiée et m’a dit que si j’allais vraiment jusqu’au bout, nous ne
pourrions plus être amis.
« Mais tu manges bien de la viande, » lui ai-je rétorqué
«Les chiens c’est différent! » me
dit-elle.
« Vraiment ? Tous les animaux ressentent la souffrance. C’est
juste que tu aimes d’avantage les chiens. »
« T’es un enfoiré! » me dit-elle.
Bien que la plupart des gens s’accordent sur le fait que les
chiens sont différents (et pensent que je suis un enfoiré de vouloir y goûter),
il est difficile d’argumenter qu’ils sont plus importants que tous les autres
animaux que les humains mangent régulièrement. Les chiens
sont mignons, et il est probablement juste de dire qu’ils ne méritent pas
d’être tués et mangés – mais il en va sûrement de même pour les vaches,
poulets, agneaux, porcs et poissons. Ma
collègue avait une compassion sélective me suis-je dis.
Un peu plus tard dans la discussion, elle m’a dit qu’elle
deviendrait végétarienne si je promettais de ne pas manger de chien.Cela semblait raisonnable, j’ai donc accepté. Quatre
jours plus tard, elle a craqué devant un burrito de poisson.
Et donc je me suis retrouvé au Cambodge, me demandant si je
voulais vraiment manger du chien.
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Peter, mon ami et interprète, dit qu’il aime la viande de
chien, mais n’en mange qu’une à deux fois par an. Sa
famille célèbre certaines occasions spéciales en faisant rôtir un chien entier
au barbecue. Au Cambodge, il est de coutume
de rôtir un chien pendant environ trois heures, puis de découper l’animal en fines
tranches qui sont ensuite grillées.
Au « Kong Vannak », un restaurant à la périphérie
de Phnom Penh, je me retrouve devant un barbecue recouvert de viande de chien.En voyant cela, je me sens un peu bizarre. La
queue est reconnaissable parmi les abats dans le barbecue, ainsi que des os et
d’autres morceaux. C’est une viande rouge, mais qui
semble un peu plus foncée que le bœuf, un peu comme le gibier, tel le kangourou
ou le wapiti. Le crâne du chien, déjà cuit, se
trouve au sommet d’une armoire de verre jusqu’à ce que l’un des cuisiniers le mette
sur la planche à découper et utilise un couperet pour en extraire la viande.
Youeng, l’une des propriétaires de Kong Vannak, affirme
que les chiens les plus appréciés sont d’âge moyen et de taille moyenne, pesant
environ 15 kg. « Quand ils sont plus petits,
la viande n’est pas assez ferme, et quand ils sont vieux, elle devient trop dure »,
dit-elle. Youeng achète la viande de chien en gros pour 3 $ US par
kilo, ce qui signifie qu’un chien entier lui coûte un peu moins de 50 $.
Peter commande et nous nous asseyons à une petite table de
quelques mètres en retrait de la rue. Au Kong
Vannak, une petite assiette de viande de chien coûte 1,25 $ et est servie avec
une salade et une sauce de poisson fermentée, appelé prahok.
Pour tout le monde au Kong Vannak, cette cuisine est tout à
fait classique. C’est comme tout autre barbecue,
juste avec une variété différente de viande. Sans surprise, quand je discute avec les autres personnes du fait de
manger la viande de chien, personne ne semble savoir que c’est tabou dans
d’autres parties du monde.
Je me rends compte que toutes les réserves que j’avais à manger
« le meilleur ami de l’homme » sont purement culturelles.Les hindous ne mangent pas de bœuf, les juifs ne mangent pas de
porc et les australiens, comme moi, ne mangent pas de chien. Mais
ici, au Cambodge, manger de la viande de chien apparaît tout aussi nous que, pour
nous, de manger du poisson pané avec des frites.
La viande a un goût assez classique, assez similaire au bœuf,
bien que légèrement plus fine et plus caoutchouteuse. Je
mange toute l’assiette sans faire de chichi. C’est
assez savoureux, mais ça me déçoit un peu.
Avant de partir, je demande à Youeng si elle a un chien comme
animal de compagnie. Elle sourit et secoue la tête.Elle doit savoir que manger de la viande de chien est étrange
et offensant pour les étrangers, mais cela fait partie intégrante de son régime
alimentaire et de sa culture. Elle me précise qu’elle mange de
la viande de chien tous les jours.
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Je suis sûr que beaucoup de gens vont critiquer ma décision
de manger de la viande de chien, et, en un sens, c’est pour cela que je l’ai
fait. La plupart des Occidentaux, mon éditeur inclus, ont de l’affection
pour les chiens domestiqués et les considèrent comme des animaux de compagnie.Je respecte leur profonde relation aux chiens, mais c’est un
raisonnement un peu sommaire de s’opposer moralement à manger du chien tout en
ingurgitant joyeusement d’autres animaux.
Jared Piazza, maître de conférences en psychologie morale à
l’Université de Lancaster, a expliqué que les chiens et les porcs sont
similaires sur de nombreux points, y compris leur intelligence sociale et
émotionnelle et leur conscience de soi. Il
déclare: «Nous aimons les chiens, mais nous mangeons du porc, et il n’y a aucune
raison morale valable à une telle hypocrisie. »
Selon moi, manger de la viande de chien au Cambodge était une
façon grotesque de mettre en valeur cette hypocrisie. Je ne
comprends pas que, bien que le bacon soit au menu de nos repas, la viande de
chien reste extrêmement taboue.
Mais tout en faisant mes recherches pour cet
article, je fus choqué par ce que je découvrais.
En résumé : les occidentaux consomment de la viande de
chien chaque jour.
En Australie, chiens et chats euthanasiés, ceux tués sur la
route et d’autres animaux morts qui sont considérés comme impropres à la
consommation humaine, sont réutilisés ou réduits en farines animales.
Grâce à ce processus de transformation, des viandes
non comestibles sont broyées en protéines grasses, tels que le saindoux ou le
suif, qui sont ensuite utilisés dans une vaste gamme de produits.
Le Docteur vétérinaire Patty Khuly déclare : « Voulez-vous
parler de ces graisses et protéines non spécifiées contenues dans la nourriture
des animaux de compagnie ?
Légalement, ces aliments peuvent tout à fait contenir des carcasses de
chiens et de chats. »
Donc, si vous avez un chien, il y a une bonne chance que vous
l’ayez nourri avec de la viande d’autres chiens.
Jonathan Safran Foer, auteur de « Eating Animals »,
explique de façon assez pragmatique:
«L’équarrissage autorise les usines à transformer les chiens
morts en éléments actifs de la chaîne alimentaire. En Amérique, des millions de
chiens et chats euthanasiés dans les refuges pour animaux chaque année
deviennent de la nourriture pour notre nourriture. »
Lorsque Safran Foer déclare « la nourriture pour notre
nourriture », il veut dire que les farines animales sont souvent transformées
en pastilles de protéines pour nourrir le bétail – dont les humains se
nourrissent. En gros, les vaches mangent du chien et nous mangeons
les vaches. Donc, si vous avez mangé du
bœuf, indirectement, vous avez mangé du chien.
Et ce n’est pas seulement le cas en Amérique. L’Australie
est le deuxième exportateur de farines animales dans le monde. Nous
utilisons les farines pour les aliments des animaux de compagnie, du bétail, pour
faire du savon, des bougies, de la peinture et des pneus. Nous
faisons même du biocarburant avec elles.
Donc, en gros, nous consommons de la viande de chien tout le
temps, de façons multiples.
Certains peuvent interpréter cet article comme une
justification pour manger du chien. D’autres
peuvent le prendre comme un signal pour arrêter toute consommation de produit d’origine
animale. En fin de compte, c’est à vous de décider ce que vous mangez,
la viande de chien incluse.
Nat Kessel